Philippe Moya, alias Spéléo sur le forum "Livres
d'enfants", http://livres-d-enfants.conceptbb.com/
était attendu par
Chantal et Jacques Bonzon, à valence, ce mois de mai 2008.
Admirateur enthousiaste
de l'oeuvre de Paul-Jacques Bonzon, il était aussi en quelque sorte notre ambassadeur...
Nous avions confié nos premières questions à Philippe... mais laissons le
parler !
***
La maison
de Paul-Jacques Bonzon
Compte rendu de ma visite chez Chantal et
Jacques Bonzon à Valence.
Je suis devant son domicile, rue B., une magnifique porte de garage en
bois sculpté de petits motifs où se promènent des animaux, un renard,
une
fouine ? La façade qui donne sur le nord n’est percée que de petites fenêtres
rondes. Je sonne, Chantal tout sourire vient m’ouvrir, très chaleureuse,
je me sens accueilli en ami. On m’attend avec plaisir. Jacques arrive
main tendue, et tout de suite m’accueille, Philippe, avez vous trouvé
facilement ? Moi je n’oserai pas l’appeler Jacques du moins pas encore.
Nous allons profiter des derniers moments de chaleur de la journée en nous
installant sur la terrasse autour d’une table de jardin en bois peinte en
blanc. Débarrassez-vous de tout votre attirail, ma pochette et mon appareil
photo.
Mon papa se tenait parfois là à cette table, me dit Jacques pendant que je
pose mes affaires sur le dossier d’une des chaises. C’est ici, dans
cette maison, dans le bureau que je vous montrerai tout à l’heure qu’il
a écrit tous ses 6C et qu’il est mort.
Nous parlons de choses et d’autres, très gentiment comme des amis de
longue date.
Voulez-vous boire quelque chose ? un café ? oui je veux bien. Chantal se lève
pour le préparer. Un bocal de croquants m’est proposé, je sors mes
feuilles.
Vous savez me disent Chantal et Jacques, nous ne pourrons pas répondre à
toutes vos questions, pour une simple raison, c’est que nous n’en
connaissons pas nous même les réponses. A l’époque elles ne nous ont
pas semblé importantes et maintenant nous ne pouvons que penser,
qu’imaginer les raisons de tel ou tel choix, sans que jamais nous n’en
ayons la certitude absolue.
Je les rassure, je pose les questions, s’il n’y a pas de réponse
certaine, je passe à la suivante et c’est tout, nous ne sommes pas là
pour un interrogatoire de police, mais juste pour faire revivre la mémoire
de Paul Jacques Bonzon.
Chantal participe avec émotion à notre conversation, elle a noué des
liens très forts avec Paul Jacques. Il venait la voir lors de sa promenade
vespérale, ils parlaient beaucoup, elle lui préparait un goûter qu’il
affectionnait.
Nous en arrivons donc aux questions entre coupées de réflexions d’ordre
plus générales voire personnelles :
Les voyages : PJB n’a jamais voyagé dans les pays décrits, ses seuls déplacements
furent à Londres, en Espagne (juste pour traverser la frontière), et vers
la fin de sa vie l’Egypte, qui lui inspira son dernier livre des 6C le
mystère des pyramides dont il a écrit trois chapitres.
PJB a possédé un chien mais ni Chantal ni Jacques ne l’ont connu,
ensuite se furent uniquement des chats, d’ailleurs les deux chats actuels
de la maison nous rendirent de petites visites pendant notre conversation.
Le chien loup en photo est le chien des voisins, en effet ses admirateurs
demandaient une photo avec Kafi, et donc grâce au chien loup des voisins la
photo a pu être réalisée.
Les enfants savaient que lorsque leur père travaillait il ne fallait pas le
déranger. Ils entendaient le bruit de la machine à écrire qui était le
signe de ne pas faire de bruit à l’étage.
PJB ne parlait pas de ses romans, tout juste aux repas faisait-il une
allusion du genre, là je ne sais pas comment je vais m’en sortir ! ! ! Il
mettait ses héros dans des impasses et ensuite il cherchait une solution
pour les en sortir.
Chaque chapitre devait se terminer par un point d’interrogation.
Les relations entre Hachette et PJB étaient celles qui existent entre le maître
et l’élève, PJB mettait son costume pour monter à Paris deux fois par
an. Il n’avait pas à donner son avis ni sur les illustrations ni les
tirages, il envoyait ses manuscrits, et recevait plusieurs mois, voire un an
après, un paquet par la Poste et découvrait son livre et les illustrations
qui s’y trouvaient.
Par contrat il devait envoyer trois manuscrits par an à Hachette, ensuite
il n’avait plus aucun contrôle sur ce que faisait l’éditeur, rythme de
parution, illustrateurs, collections, tout cela était de la responsabilité
de Hachette.
Il appréciait les dessins de Chazelle et Paulin, il ne su rien de la raison
du changement. Il ne rencontra jamais ni l’un ni l’autre. Il découvrait
les illustrations en recevant les livres par la Poste. Jacques me dit
qu’il aimerait beaucoup les rencontrer s’ils vivent encore.
Hachette n’imposait pas de thèmes, PJB écrivait vraiment ce qu’il
voulait. tout au plus a-t-on demandé de modifier certains mots (pilules
remplacées par comprimés).
Delagrave (livres scolaires) lui, a pu refuser certains livres, demander des
modifications importantes. Il a eu du mal avec Ahmed et Magali (PJB était
en avance sur son temps).
Il n’était pas du tout intéressé par les revenus de ces livres, s’il
consultait les chiffres de vente c’était surtout pour comprendre son
lectorat, lorsqu’il prit des risques en interrompant les 6C pour écrire :
soleil de mon Espagne, qui n’eut pas de succès ; il s’interrogeait sur
les raisons de ce manque d’accueil.
D’où viennent les 6C ? apparemment il a démarré la série suite à un
voyage à Lyon pour acheter un piano droit pour Isabelle. L’achat eut lieu
près de la croix rousse, et se fit rapidement ce qui donna du temps libre
pour visiter et découvrir les traboules et ce quartier si pittoresque,
c’est sans doute de là que lui est venue l’idée des compagnons de la
croix rousse, ensuite le succès très important que reçu ce livre
l’incite à continuer leurs aventures. (il a écrit le premier "Six
compagnons" en 61 et
le second en 63)
Il travaillait principalement pour le plaisir, il lui fallait écrire, écrire
pour les enfants ne rapportait pas grand chose en tout cas pas assez pour
que cela soit une motivation suffisante.
Quel regard portait-il sur les autres séries pour enfants : il disait que
ses petits héros devaient se débrouiller par eux même pour résoudre les
énigmes et les problèmes qu’ils rencontraient. Alice par exemple étant
fille d’avocat a trop de facilité pour résoudre ses mystères.
C’est pourquoi dans sa "famille HLM", il a choisi de les faire habiter dans
une HLM, il décrit la vie simple de gens simples, honnêtes et travailleurs.
Il a rencontré deux ou trois fois Georges Bayard, ils se connaissaient sans
plus. Georges Bayard a assisté à l’enterrement de PJB sur le siège à côté
de Jacques.
Comment travaillait-il ? surtout le matin, il commençait avant de petit déjeuner,
puis encore après, et allait travailler. A la retraite il a continué sur
ce rythme, il faisait une sieste sur son canapé dans son bureau et faisait
sa promenade. Il lui est arrivé de traverser Valence sous son parapluie par
grand soleil parce qu’il pleuvait dans son roman.
Il écrivait deux pages par jours, c’est le rythme qu’il s’était fixé.
Tout d’abord les notes sur des petits bouts de papier, ensuite un premier
jet à la main sur cahiers d’écoliers, et version définitive à la
machine à écrire, une centaine de feuilles formaient un livre.
Les personnages : seul le Tondu a existé, les autres étaient des synthèses
de petits garçons rencontrés ici ou là de ses élèves, de ses enfants,
il a incorporé Mady pour toucher également les filles même si
personnellement il avait quelque mal a communiquer avec les filles.
Il a ensuite trouvé qu’il était trop difficile d’écrire avec tant de
personnages et a éliminé Corget, éliminer le chef était plus facile
parce qu’il était le moins typé de tous les personnages, ensuite Tidou
n’a plus été narrateur pour donner du peps à ses écrits.
Les aventures se déroulent dans la vallée du Rhône et à côté car il y
vivait ensuite au grès des vacances et déplacements (ses enfants
grandissent et il désire leur montrer le monde), il écrit sur Bourg en
Bresse (l’adresse des bandits dans la Citadelle est leur adresse de
vacances), Londres ou il se rend avec ses enfants etc…
L’aventure chez les piroguiers a surpris Jacques car il n’a jamais été
en Afrique noire ni de près ni de loin.
Le tour de France : PJB aimait cette épreuve sportive, chaque année en
vacances en haute Savoie ils allaitent voir une étape du tour.
Ils se rendent à Albi où Mathieu Carrière tourne l’éventail de Séville,
pendant ce tournage meurt René Louis Laforgue qui avait un rôle dans le
film. Ce sera une des premières séries télévisée en couleur de la télé
française. Sur la 2 qui était en couleur la 1 restant en noir et blanc
pendant quelques temps.
Si les "Six compagnons" existaient encore aujourd’hui, il n’y aurait pas de mal à ce
que Tidou aie un téléphone portable, mais il aurait travaillé pour se
l’acheter et payer son abonnement. PJB était intéressé par les progrès
techniques, la science et les gadgets qui arrivaient sur le marché, il
aimait les nouveautés et aurait certainement permis à ses petits
personnages de s’y intéresser aussi.
Vers la fin, pendant 10 ans il est veuf, cela lui cause une peine immense,
sa production s’en ressent, de plus la série commence à le lasser. Il écrit
des « one shot » pour se changer les idées. Il tente même un roman pour
adulte, qu’il ne propose pas à un éditeur, car le résultat ne le
satisfait pas.
Il meurt dans son bureau allongé sur son canapé. Il a à ce moment là, écrit
trois chapitres de la dernière aventure des 6C qui d’après ses enfants
est une des plus réussie, Chantal l’a terminé. Jacques monte au grenier
et me montre le roman tapé à la machine, je tremble d’émotion, un inédit
jamais publié….. Nous le feuilletons ensemble, je lis quelques lignes,
çà fait drôle.
"Je vous le ferais lire, lorsque je l’aurai retapé" me dit Chantal,
"vous me
donnerez votre avis".
Je suis à la fois heureux et sur les charbons ardents. Vite ! que cela se
fasse vite ! ! !
Nous montons au premier visiter le bureau. Tout est quasiment comme du temps
de Papa, me dit Jacques. Seuls changements l’aquarium dans un coin et le
Mc Intosh sur le bureau, même la climatisation est de l’époque de mon père
qui en bon Normand aimait la fraîcheur.
Je suis invité à m’asseoir sur le fauteuil de PJB, Chantal prend la
photo.
Philippe
assis au bureau de Paul-Jacques Bonzon
Cela fait maintenant deux heures que je suis ici et le temps a passé trop
vite. Je dois prendre congé de mes hôtes, nous nous promettons de nous
revoir, la lecture du dernier 6C est une promesse qui va tenir mon attention
jusqu’à ce que cela se réalise.
Chantal me confie son grand souhait, que l’œuvre de son beau père soit
préservée, elle aimerait réaliser un cercle, une fondation des amis de
Paul Jacques Bonzon, que toute son œuvre puisse être préservée tout en
restant accessibles aux gens. Elle aimerait également voir réaliser en
animation l’un des romans « one shot » : "demandez à vos amis blogueurs
lequel de ses romans leur semble le plus adapté à cela. Cela me chagrine
d’imaginer que Simitra est diffusé en ce moment sous forme de Manga au
Japon. Qu’ont du devenir les petits personnages de mon beau père ?"
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