PAUL-JACQUES BONZON
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Paul-Jacques Bonzon Du gui pour Christmas Étude comparative des versions Par
Michel |
Presque vingt ans exactement séparent les deux versions de ce même roman. Vingt ans durant lesquels l’auteur est devenu un écrivain confirmé pour la jeunesse, un fleuron des éditions HACHETTE. |
Edition originale de
1953 aux éditions Bourrelier, collection Marjolaine |
Il suffit de parcourir les deux tables des chapitres pour se convaincre que nous avons bien à faire à deux livres tout à fait différents ! Paul-Jacques BONZON a en fait réécrit son ouvrage composé en 1953. L’édition originale publiée aux Editions BOURRELIER est très différente de celle parue dans la collection de chez HACHETTE, dans « l’Idéal Bibliothèque » en 1972. Non seulement le nombre de chapitres a été considérablement diminué mais tout le livre a été retravaillé. A la demande de l’éditeur ? C’est d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’un cas unique pour notre auteur; « Le Voyageur sans Visage » avait été repris à l’identique par « la Bibliothèque Verte ». Si le sujet reste le même, sous un titre identique, nous avons en fait deux bouquins totalement différents. Vingt ans se sont écoulés entre ces deux rédactions, l’auteur, comme ses lecteurs, a évolué. |
Probablement, le misérabiliste de la famille de Côme dans la version originale a paru excessif aux éditions HACHETTE. Cette pauvreté plus acceptable en 1953 était devenue gênante vingt ans après; Le niveau de vie de tous avait considérablement évolué, il fallait donc « moderniser » l’histoire. D’autant que le talent de l’auteur avait rendu la situation de ces malheureux criante de vérité. Diable, nous sommes en France et cette misère en 1972 n’avait plus lieu d’être ! Cachez-moi ces pauvres qui ne peuvent que nous donner mauvaise conscience surtout pendant les Fêtes de Noël ! L’auteur s’est donc exécuté. Avouons que le livre y a beaucoup perdu mais il fallait caser ce titre dans une collection avec toutes les normes en vigueur (nombre de pages, chapitres, illustrations…). La seconde version est certes plus adaptée à « l’Idéal-Bibliothèque » mais elle pâtit indéniablement de sa comparaison avec la première ! |
Édition
de 1972 chez Hachette, collection Idéal Bibliothèque |
Ci-dessus, l'illustration de l'édition originale de 1953, ci-dessous, l'illustration de l'Idéal Bibliothèque de 1972
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Dans la version la plus récente, l’histoire débute quand le petit
COME a déjà une douzaine d’années… Dans la précédente version, le jeune garçon n’était même pas né au premier chapitre ! Seule sa naissance était annoncée à son brave père prénommé PHIL… pour Philibert par un dénommé Servais. Notons que Paul-Jacques BONZON a réutilisé ce prénom dans « J’irai à Nagasaki » pour baptiser le jeune héros normand de cette histoire… Encore la quête d’une jeune fille, japonaise cette fois-ci, mais en tout bien tout honneur ! L’amitié tient une grande place dans tous les romans de notre auteur… Ce premier enfant du jeune couple étant né le vingt septième jour de septembre, l’almanach le désignera sous le prénom peu usité il est vrai, même à l’époque, de Côme. Même la jeune maman Angéline hésitera quelque peu… Mais il s’agit d’une mesure avant tout économique ! « Pour ne pas avoir deux fêtes à souhaiter dans l’année »… Il est vrai que le jeune couple est bien misérable : seul PHIL travaille et vit chichement de la pêche. (…) Ils habitent une curieuse maison, en vérité, tenant à la fois du chalet et de la cabane à lapins. Pour tout dire une baraque de bois, édifiée autrefois par des baigneurs et depuis des années abandonnée, perchée sur la houle des dunes… (…) (…) La maison des sables, une étrange construction de briques et de planches édifiée naguère par son père… (…) Ainsi la décrit le petit Côme vingt ans plus tard. Déjà, l’habitation tout en restant modeste apparaît un peu moins misérable même si elle garde son caractère isolé au milieu des dunes près de l’océan Atlantique. Entourée, voir envahie, de sable ! La description qu’en fait l’auteur à ce sujet est édifiante : (…) Le sable n’était pas seulement dehors, sur la grève, dans les dunes, il était aussi dedans, dans la maison, jusque dans le pétrin de Côme. Eh oui ! Dans son pétrin. La bercelonnette d’osier était trop petite maintenant, il dormait dans un vieux pétrin vermoulu transformé en lit. Au fond, maman Angeline avait étendu une paillasse bourrée de varech qui sentait bon la marée, et c’était là que dormait Côme. (…) C’est donc dans cet univers que va grandir le garçonnet. Les six premiers chapitres, absents de la version suivante, nous décrivent sans concession cette vie isolée dans les dunes peuplées de lapins de garenne, les fameux « grignotins »… Seul, isolé du reste du monde, même pas scolarisé !, ce qui était impensable vingt ans plus tard : la vérité d’hier n’étant pas celle d’aujourd’hui, notre instituteur a corrigé le tir et nous a présenté cette malheureuse famille sous un jour un peu plus flatteur. La misère doit rester présentable ! Plusieurs épisodes émaillent ces chapitres inédits puisque non repris en 1972 : la « disparition » de Côme qui échappe à la surveillance de ses parents, l’amputation d’une phalange due à son désir de grandir plus vite, l’apprentissage de la natation, « Oculi », le jeune « grignotin » apprivoisé par le jeune garçon… La présence de campeurs sur la plage à proximité de la maison des sables puis la naissance de frères jumeaux : Prime et Félicien… qui n’existeront plus dans la version moderne ! Paul-Jacques BONZON s’étant sans doute rendu compte qu’il avait bien assez chargé la barque dans le manuscrit original. Tous ces évènements peuvent paraître anodins mais ils étaient en fait très importants puisqu’ils constitueront la prime enfance de Côme destiné à devenir le héros de cette histoire. Les illustrations d’origine, comme bien souvent dans pareil cas, ne seront ni reprises ni imitées. Tout un pan du roman sera sacrifié, voire censuré, par l’auteur lui-même… Il est vrai que vingt ans plus tard, les choses ont bien changé ! A ce propos, on peut signaler que l’éditeur s’était cru obligé de préciser que les conditions des classes de neige avaient fortement changé au moment de la réimpression des « Six Compagnons et l’Homme des Neiges », aventure écrite dans les années soixante ! |
Angeline et Phil se penchent sur le "berceau" du petit Côme qui vient de naître dans la misérable cahute. Le décors très dépouillé est très fidèle au texte. |
Signées Maguy LAPORTE, elles sont toutes en noir et blanc et de leur naïveté s’échappe un charme certain. |
Editions Bourrelier 1953 |
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L’édition originale chez BOURRELIER possède deux jaquettes : La première date de 1953, la seconde de 1960. Elles sont toutes dues à Maguy LAPORTE. En 1972, « l’Idéal-Bibliothèque », la collection de chez HACHETTE, n’utilisait déjà plus de jaquette papier. |
Bien entendu, seule la jaquette était illustrée en couleur à
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Ci-contre, le jeune Côme est représenté de façon bien différente vingt ans plus tard par Patrice Harispe pour l’édition HACHETTE dans « L’Idéal-Bibliothèque »; il parait davantage adulte et est mieux habillé. Assis sur la grève à contempler les mouettes qui ne semblent guère effarouchées par sa présence. Pense-t-il à la petite sœur qu’il n’a pas eue ? En attendant, après la naissance des jumeaux, deux autres petits frères arriveront : Gaétan, l’année suivante puis Jérôme toujours baptisés d’après l’almanach des marées ! (…) Avec l’aide de Côme, papa Phil a agrandi la maison. L’appentis est devenu une chambre. Sur l’autre pignon, il a édifié une sorte de cellier, où sont remisés les engins de pêche. Qui pourrait reconnaître, dans cet agencement de tôles et de planches d’épaves, un ancien chalet de baigneurs. On voit tout de suite que de pauvres gens vivent là (…) |
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Paul-Jacques BONZON insiste sur la dureté de la vie dans de telles conditions : (…) Côme est fier d’être presque un homme, pourtant il n’est pas tout à fait heureux. Papa Phil et maman Angeline ont trop de soucis pour être souvent gais. Ils se sont laissé gagner par la rudesse, la dureté, même, des pauvres gens que le travail épuise et qui souffrent de ne pouvoir apporter sous leur toit tout le bonheur dont ils avaient rêvé (…) Sur ce, arrive l’échouage d’un
beau navire de plaisance anglais, le « Tornay »; et c’est
à ce moment que Côme va faire la connaissance d’une petite anglaise de
son âge : Margaret qui, fort heureusement, parle la langue de Molière,
son père étant français. Tout de suite va se nouer entre ces deux
enfants une profonde amitié. Côme va identifier cette petite fille comme
la sœur qu’il n’a jamais eue. Lui, l’analphabète, va découvrir
grâce à un livre que Margaret lui lira à bord du bateau : «L’Histoire
de Balimako »… Ce jeune africain, comme Côme, va
rencontrer une petite fille blanche avec laquelle il va se lier d’amitié…
Hélas, cette dernière va s’en aller, laissant son compagnon
inconsolable. Le malheureux BALIMAKO va même perdre la vie après
avoir chuté d’un arbre très haut dont il était monté à la cime…
pour apercevoir le grand bateau blanc qui avait emmené sa jeune amie… Triste histoire en vérité… Au
terrible dénouement qui n’est pas sans rappeler celui de « L’éventail
de Séville »… A ce propos, nous avons appris que Paul-Jacques
BONZON préférait cette fin tragique à un « Happy End » de
rigueur dans la littérature pour la jeunesse. (Voir Marc SORIANO) « Mistletoe !... Mistletoe for Christmas !... » … « Du gui pour Noël !... » Les jeunes français vont arpenter les rues de la grande cité londonienne afin de vendre leurs bouquets de gui qui est censé porter bonheur à celui qui en possède pour les Fêtes de Noël. C’est un commerce d’autant plus lucratif que les travailleurs sont de jeunes enfants (pas trop jeunes ni trop vieux !). L’enseignant qu’était notre auteur soulève ici un délicat problème qu’il a dû rencontrer dans sa carrière ! Un problème social récurent dans nos campagnes lorsque les élèves de classe devaient abandonner les bancs de l’école pour aider leurs parents aux champs… Dans la seconde version, BONZON fait allusion à une école délabrée qui doit fermer ses portes le temps d’une réparation ! (effondrement du plafond) |
Commence alors la quête de Margaret. Grâce à son copain Jean-Marie, Côme retrouve sa trace au Parc des Biches mais c’est sans compter le fameux brouillard de Londres, le fameux « smog ». (Paul-Jacques BONZON, curieusement, n’utilise jamais ce nom anglais très présent dans les aventures de Sherlock Holmes !) Perdu dans la grande cité londonienne, Côme chute dans la Tamise et se retrouve à l’hôpital après avoir failli perdre la vie, comme le petit noir prénommé BALIMAKO. Grâce au matelot de la Sainte-Marie, ses camarades retrouvent sa trace et, miracle, Margaret se présentera dans sa chambre d’hôpital ! Après ces émouvantes retrouvailles, la petite anglaise lui relira l’Histoire de Balimako… mais, cette fois, le dénouement n’est plus le même ! Le petit noir âgé d’une dizaine d’années conserve la vie ! (…) « C’est drôle, soupira-t-il, un peu déçu, je ne pensais pas que l’histoire pourrait finir de cette façon. - Moi non plus, fit Margaret, mais elle n’est pas triste, puisque Balimako ne meurt pas et se trouve heureux. Malgré tout, cette histoire les laissait, l’un comme l’autre, sur une impression de malaise » (…) Comme quoi, un « happy end » peut gâcher toute une histoire ! Sur ce, la jeune fille apprend une terrible nouvelle à Côme : elle va suivre ses parents à l’autre bout du monde ! Se retrouver pour mieux se quitter ! (…) Il avait revu Margaret; pour toujours, il avait fixé son image dans son cœur, mais il avait compris aussi que leurs routes, qui s’étaient croisées un jour, n’étaient plus faites pour se rencontrer. Certes, il souffrait, il souffrirait encore, l’épine resterait longtemps enfoncée dans la plaie, mais déjà la plaie cessait de saigner. Il voulait être courageux, et en était capable. (…) Après trois jours de traversée, voilà les quatre garçons de retour en France. Seul Côme n’est pas attendu au port et il doit regagner la Grande-Dune. Voilà déjà un mois qu’il a quitté les siens dont il n’a aucune nouvelle… Enfin arrivé, il apprend que la famille s’est une nouvelle fois agrandie avec la naissance… d’une petite sœur nommée… Marguerite… Margaret ! Et, cette fois, l’almanach n’y est pour rien ! C’est maman Angeline qui a choisi le prénom de sa dernière-née. Voici l’épilogue de la version originale rédigée l’année de la naissance de la fille de Paul-Jacques BONZON, Isabelle… (1952 ) La dédicace de la deuxième version en 1972 est plus explicite : « A ma fille Isabelle, ce récit écrit l’année de sa naissance. » P-J B. Sauf que le récit en question a beaucoup changé depuis ce temps ! Dès le chapitre 2, nous assistons au naufrage du « Tornay », un yacht de plaisance anglais et nous faisons connaissance de suite avec Margaret. Il est ensuite question de Cherbourg, dont l’auteur ne mentionnait nullement le nom jusqu’à là... Puis revient l’histoire inchangée de Balimako au triste dénouement … Et le sauvetage des sables mouvants qui avait failli tourner au drame. Une nouveauté : avant de se quitter, la petite fille offre à Côme ce beau livre car, dans cette version, le jeune garçon a appris à lire puisqu’il a été à l’école ! C’était la moindre des choses de la part d’un auteur qui avait été auparavant un instituteur ! Le roman, à quelques détails près, reprend son cheminement initial. A l’hôpital, Margaret lui offre de nouveau un livre : celui de Balimako ! (…) « Tu sais que Christmas est le jour des cadeaux ! « Les doigts de Côme tremblaient d’émotion. Elle dut l’aider à défaire le paquet. « Un livre ! « s’écria-t-il ! Et, lisant le titre sur la couverture : « Oh ! L’histoire de Balimako !... Est- ce celle que tu m’as déjà donnée ? » Ses yeux s’arrêtèrent sur l’image du petit noir au sommet de son cocotier, et un voile de tristesse passa sur son visage. |
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« Non, fit vivement Margaret. Elle ne finit pas de la même façon.
Il faut aussi noter que la version originale précise que cet ouvrage a été primé en 1953… Cette mention
disparaît de la deuxième version chez HACHETTE, probablement du fait que le roman a été profondément remanié entre temps !
Michel Lundi 6 janvier 2014
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