LA VIE TROP BREVE DE PENELOPE SCHELLENBERGracontée par sa maman, Melisha MITCHELL
CHAPITRE I Le 10 février 1977, mon troisième bébé, prévu pour la fin du mois de mars, est déjà là... avec six semaines d'avance. " C'est une fille!" m'annonce le médecin. "Trois kilos 50 grammes. Pas mal pour 34 semaines . Elle était pressée de vivre, celle-là. Comment voulez-vous l'appeler?" "Pénélope," j'ai répondu. "Pénélope? Drôle de prénom," dit le médecin. "Avec un prénom pareil, il faudrait qu'elle soit belle." Vingt minutes plus tard, un deuxième médecin vient me voir, le visage grave. "Madame," me dit-il, "il faudrait qu'on transporte votre bébé dans un autre hôpital. Elle ne peut pas rester ici..." "Mais, qu'est ce qu'il lui arrive?" je lui demande, essayant de cacher mon hystérie... "Un souffle au cœur, madame. Elle a un souffle au cœur." "Mais je ne vais pas perdre mon bébé," je lui ai répondu. C'était une affirmation plutôt qu'une question. "Madame je ne peux rien vous dire pour l'instant." En fait c'était rien du tout ce souffle au cœur, et trois semaines plus tard Pénélope a rejoint ses deux grands frères, Tim et Tom, dans notre maison au fin fond de l'Essonne.
Ce bébé qui était si pressé de vivre a parlé...et chanté...très tôt. Assez petite pour son âge et avec ses cheveux blond vénitien qui refusaient de pousser pendant très longtemps, elle avait toujours une tête de bébé à trois ans, mais parlait comme une petite fille de grande maternelle, ce qui attirait toujours beaucoup de réactions insolites.
"Comment est-ce possible qu'un bébé parle comme ça?" m-a-t-on souvent demandé. Les réactions étonnées des gens faisaient toujours rire... Pendant l'été 1983, un an après avoir déménagé de l'Essonne à Paris, nous somme partis en famille au Club Méditerranée de Pompadour. C'est là que Pénélope a fait ses premiers pas sur scène, dans le spectacle de fin de séjour du Kids Club. Elle était reléguée à l'arrière de la scène pour sa danse de "rock and roll" avec une petite fille qui, visiblement, était intimidée par les feux de la rampe. Pas Pénélope. Dès que la musique a démarré, Pénélope a pris sa partenaire par la main et l'a traînée vers l'avant de la scène...où on ne voyait plus qu'elle...
En rentrant à Paris, Pénélope a annoncé, "Je vais devenir comédienne lorsque je serai grande." Je lui ai expliqué que le fait de vouloir être comédienne n'était pas suffisant; il fallait beaucoup de talent...et beaucoup de chance...pour réussir dans ce métier. "Tu verras, maman," elle m'a répondu. "Tu verras." Quelques semaines plus tard, elle a remarqué des cours de théâtre qui avaient lieu dans une ancienne boulangerie non loin de notre nouvelle résidence dans le 15ème. "Maman, je dois absolument suivre des cours de théâtre. S'il te plaît, Maman. S'il te plaît..." "Mais, ma chérie, tu ne sais même pas lire, comment peux-tu suivre des cours de théâtre sans lire?" "J'ai pas besoin de lire pour jouer de la comédie," elle a insisté...Et, comme c'était souvent le cas, elle avait raison. Après avoir convaincu aussi bien l'ancienne comédienne qui avait installé ses cours dans cette boulangerie abandonnée que son père que le fait de ne pas pouvoir lire n'allait en rien l'empêcher de suivre les cours de théâtre, elle est devenue la vedette de son cours où la plupart des élèves avaient entre 12 et 16 ans alors qu'elle n'en avait que 6. Deux ans plus tard, au début de l'année 1985, on m'avait demandé de diriger les Scouts Américains en France. Je suis américaine de naissance et ai été scout aux Etats-Unis dans ma jeunesse. J'ai accepté cette offre flatteuse, et pendant les deux ans qui ont suivi, Pénélope et sa sœur cadette, Tiffany, ont assisté à des réunions de scouts américains tous les mercredis. Ainsi elles ont pu faire la connaissance d'autres jeunes américaines vivant à Paris, et améliorer leur anglais, qui n'était pas terrible à l'époque. Les cours de théâtre dans la boulangerie du 15ème continuaient, à la grande joie de Pénélope, qui, entre-temps, avait, bien entendu, appris à lire. Pénélope avait commencé l'été de 1986 avec un séjour de 15 jours en Allemagne avec les Scouts Américains. Son anglais, toujours pas très avancé, avait fait de grands bonds en avant pendant ses deux semaines en Allemagne. Un mois plus tard, début août 1986, le téléphone sonne. "Bonjour," annonce le jeune homme à l'autre bout du fil, "je suis l'assistant du metteur en scène Jean-Louis Bertuccelli, et nous cherchons une jeune fille bilingue français-anglais, âgée entre 12 et 15 ans, pour un rôle dans un téléfilm qui sera co-produit par Antenne 2, la RAI et ABC (moi, en tant qu'américaine, je pensais qu'il s'agissait du American Broadcasting Company, mais c'était l'Australian Broadcasting Company...). Nous avons trouvé votre nom dans l'annuaire de la Chambre de Commerce Franco-Américaine et pensé que, en tant que chef des scouts américains, vous connaissiez peut-être quelqu'un qui voudrait venir auditionner." "Hélas, je connais personne qui correspond tout à fait à ce que vous cherchez," j'ai dit, "mais....je connais une petite fille de 9 ans qui suit des cours de théâtre depuis trois ans et qui est plus ou moins bilingue et serait absolument ravie de passer une audition." Dès le lendemain, qui était un beau vendredi du mois d'aout, Pénélope et moi, avons fait le long trajet du 15ème arrondissement jusqu'aux Buttes Chaumont en autobus.
Arrivées aux studios d'Antenne 2, nous étions étonnées de voir qui nous n'étions pas les seules convoquées de la journée. Dans la salle où nous devions nous rendre, il y avait déjà des centaines d'enfants, garçons et filles de tous les âges, qui attendaient. Nous nous sommes assises, et quelques minutes plus tard, Jean-Louis Bertuccelli, le metteur en scène, a fait surface. Il a regardé brièvement la foule d'enfants qui remplissait la salle, et s'est immédiatement dirigé vers ma fille. "Toi, t'es mignonne, toi," a-t-il dit, "Comment tu t'appelles?" "Pénélope," elle a répondu avec une confiance évidente. Et ils ont disparu tous les deux dans une salle à côté. Dans le vieil autobus du retour, Pénélope s'est installée sur la toute petite place que deux vieilles dames avaient laissée entre elles sur le banc demi-lune à l'arrière de l'autobus. "Je vais faire du cinéma," a-t-elle annoncé soudainement aux deux vieilles dames. "Mais, non, ma chérie, tu viens seulement de faire une audition. Ça ne veut pas dire que tu vas faire du cinéma." Pénélope a secoué sa tête. "Mais, chérie, tu as vu tous les autres enfants qui étaient à l'audition aujourd'hui? Tu crois qu'ils sont tous en train d'annoncer aux gens de leur autobus qu'ils vont faire du cinéma?" Elle a encore secoué sa tête. "Tu vas voir, maman. Tu vas voir." Et, en effet, le lundi suivant, j'ai vu. L'assistant de M. Bertuccelli m'a téléphoné pour annoncer que bien qu'ils ne lui aient pas donné le rôle principal, ils avaient décidé de réécrire un autre rôle qui au départ était destiné à une fille de 15 ans afin que ma fille qui en avait 5 de moins puisse le jouer. Le téléfilm en question,"La Lettre Perdue", a commencé à se tourner à la fin du mois de septembre . Mais, avant le début du tournage, cette première audition avait déjà porté pas mal de fruits. Non seulement il y avait le rôle "réécrit pour elle" (depuis quand est-ce qu'on réécrit un rôle pour une jeune actrice sans expérience, je me demandais), mais Jacques Fansten, qui allait mettre en scène un autre film dans la même série d'Antenne 2 co-produite avec la RAI et ABC, a vu sa première audition et, un mois plus tard, lui avait donné un rôle principal dans son téléfilm, "Le Bord des larmes," avec Annie Duperey.
Par
ailleurs, la jeune femme qui avait filmé l'audition de M.
Bertuccelli l'avait montrée à sa sœur, Sophie, qui
était sur le point de lancer une agence pour enfants. Dès
le début du mois de septembre, Pénélope est
devenue l'un des premiers enfants inscrits à l'Agence Toto et
Lili. Fin Septembre, Sophie avait envoyé Pénélope à son premier "cattle call", une audition pour une publicité pour des yaourts YOPLAIT dirigée par Pascal Thomas. Il y avait pas moins de 200 petites filles dans la salle d'attente où avaient lieu les auditions. Et, bien entendu, les miracles ont continué: quinze jours plus tard Pénélope était en train de tourner une pub dans laquelle elle avait la seule réplique: "Et voici le tigre."
Comment est-ce possible, je me demandais, que les choses se passent si vite? De sa première audition à deux téléfilms et le rôle principal dans une publicité en moins de deux mois! Mais, comme l'avait si bien dit le médecin qui l'avait accueillie au monde: "Elle était pressée de vivre."
CHAPITRE II Pour Pénélope, le tournage du téléfilm "Le bord des larmes," un mélodrame avec Anny Duperey dans le rôle d'une mère de famille qui se trouve soudainement sans ressources avec deux enfants à charge, était son premier "vrai tournage." Tiffany Schellenberg, petite
sœur de Pénélope, lors du tournage de "La lettre perdue"
Pour
"Le bord des larmes," par contre, il y avait plus d'un mois de tournage
à Bordeaux et, pour la première fois, il fallait
présenter un dossier à une commission spéciale,
obtenir l'accord de son l'école et passer un examen medical.
Merci à Melisha MITCHELL pour sa confiance. Propos recueillis par échange de mails et mis en forme par Cédric ALLEGRET.
[1]: Dimitri Peaucelle
Droits des images : Photos: Collection personnelle de Melisha MITCHELL (D.R.) Article de "Télé 7 Jours": Extrait
du site web de Jean-François
Leroidel.
Date de première publication du chapitre I:
4 août 2017 Dernière mise à jour: 31 mai 2018 |